COMMENT GéRER LA SCOLARITé DES ENFANTS PENDANT UN TOUR DU MONDE ? TéMOIGNAGES DE PARENTS

TEMOIGNAGES – Un tour du monde ne rime pas toujours avec doigts de pied en éventail, surtout lorsqu’on embarque ses enfants. Conjuguer voyage et scolarité est le défi que se sont lancé ces parents partis à l'étranger pendant plusieurs années. Pour «Capital», ils témoignent des bénéfices de la vie nomade sur la scolarité (et bien plus) de leurs têtes blondes.

Si faire le tour du monde peut sembler fou, partir avec des enfants apparaît alors comme une témérité absolue pour éviter que la vie nomade n’entrave leur scolarité. Annabel et son mari sont partis pendant 9 ans parcourir le monde à la voile et en camping-car, d’abord en couple puis avec leurs trois enfants. «On utilisait le voyage comme prétexte pour apprendre. Ils devaient calculer eux-mêmes les marées, prévoir l’itinéraire, etc. Tout est potentiellement un support d’apprentissage, témoigne-t-elle. Mais ça ne remplaçait jamais l’école, c’était plus une mise en application des problèmes de maths ou de géo.»

Tous les matins donc, pendant une durée variable selon l’âge des enfants — de 1 heure en maternelle, répartie en tranches de 20 minutes, à 5 heures pour les plus grands — l’un des deux parents se retirait dans une bulle d'étude avec eux. «Il est important de conserver un cadre pour ne pas être coupé du monde scolaire, insiste la jeune maman. On gardait même le vocabulaire, en disant par exemple qu’on “allait à l’école”, alors qu’on ne faisait que quelques pas.»

Car comme tous les autres petits Français, les enfants expatriés âgés de 6 à 16 ans sont soumis au respect de l’obligation légale d’instruction (et non d’école) pour bénéficier d’une «scolarité dans les mêmes conditions que les autres, quelles que soient la durée et les modalités du stationnement et de l'habitat, et dans le respect des mêmes règles», précise le site du ministère.

Depuis 2021, la loi encadre bien plus strictement l’instruction en famille, imposant une demande d’autorisation là où une simple déclaration suffisait auparavant. Mais l’itinérance à l’étranger est très peu affectée par ces changements car, justement, vous n’êtes plus sur le territoire. Dans le cas d’un tour du monde, les formalités sont plutôt simples. Avant de partir, il suffit d’avertir l’inspection d’académie, la mairie et l’école, sans dossier à remplir. Au retour, un contrôle pédagogique peut être exigé pour s’assurer du niveau des enfants.

Chaque famille doit trouver le rythme scolaire qui lui convient

Toutefois, depuis 2021, les voyages à l’étranger sont exclus de la liste des cas spécifiques (maladie, handicap, habitation très isolée, sportif de haut niveau) permettant de bénéficier des formations réglementées du Centre national d'enseignement à distance (Cned), considérant qu’il relève d’un choix de vie des parents qui assument dès lors le financement de la scolarité de leur enfant. Le Cned est une plateforme publique qui propose des formations à distance, que l’enfant réside en France ou à l’étranger, selon deux formules : les cours à inscription réglementée et les cours à inscription libre.

Bien que les formations soient identiques, seule la formule «réglementée» est reconnue par l'Education nationale. Cette formule permet à l’élève de se présenter aux examens du brevet ou du baccalauréat à son retour en France, et donne droit à un certificat de scolarité, des relevés de notes, et un avis d'orientation en fin d'année scolaire. «Ce changement rend les choses beaucoup plus compliquées pour les familles qui veulent voyager, et qui doivent à présent partir en dehors des années charnières. Si on partait aujourd’hui par exemple, les notes de notre aînée ne pourraient pas compter pour le bac», résume Annabel. Autre différence notable : le Cned réglementé est gratuit, tandis que le Cned libre est payant.

Chaque famille trouve son rythme, avec parfois la nécessité d’un temps d’adaptation. «La première année, on en a trop fait, raconte Juliette, partie faire le tour du monde en catamaran pendant quatre ans avec sa famille (quatre enfants de 3 à 11 ans au moment du départ). Progressivement on a allégé les programmes et on a fini par trouver la méthode la plus efficace : ne pas forcer. On s’est rendu compte que certaines journées étaient plus propices à l’apprentissage.» Pour eux, cela signifie finalement deux heures d’école par jour, sans week-ends ni vacances fixes, mais avec une flexibilité permettant de s’adapter aux exigences du voyage (temps de navigation, visites des lieux, moments en famille...).

Comment le voyage transforme l’apprentissage des enfants

Car c’est là tout l’intérêt de ces expériences. Loin des bancs de l’école, l’éducation se fonde aussi dans les découvertes quotidiennes, particulièrement riches dans une vie nomade. C’est un peu le principe du «unschooling», l’apprentissage sans l’instruction, qui laisse les enfants découvrir et apprendre de manière naturelle et autonome, et à leur rythme. «En revenant en France, j’ai vu la différence de mentalité, glisse Annabel. Nos enfants se disent que tout est possible car ils ont vu des gens dépasser l’impossible, ils comprennent que l’homme est capable de tout, alors ils ont des milliards d’envies, une foi en l’avenir que les autres de leur classe n’ont pas.» L’ouverture et la curiosité comme remèdes au pessimisme ambiant.

Scolairement, leur avance est indéniable. «Ils ont eu la chance de bénéficier d’un accompagnement personnalisé, rapporte Annabel. J’ai pu m’adapter à chacun, prendre le temps de reprendre à zéro les matières scientifiques avec l’aînée, laisser le temps à la deuxième de reprendre confiance quand il le fallait. L’important à cet âge, c’est d’aimer apprendre, de prendre du plaisir. Si c’est le cas, tout déroule.»

Seul point d’attention : préparer le retour. Si toutes les familles contactées font état d’un «bien meilleur niveau scolaire» à la fin de l’expérience, toutes rappellent qu’un temps d’adaptation est souvent nécessaire. «On se sent en décalage quand on revient, les enfants peuvent vite se sentir un peu exclus pendant la récréation. C’est important de l’anticiper, d’en parler avec eux, d’accepter que ça puisse être plus dur pour eux que pour nous», conseille Claire, partie deux mois en Nouvelle-Zélande puis aux îles Fidji.

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